Une présentation des chenilles processionnaires et de ses enjeux pour la santé.
Focus
La transformation, de quoi parle-t-on ?
Mots clésLes grandes transitions alimentaires
Depuis la nuit des temps l'homme a transformé ses aliments. On distingue 4 grandes transitions alimentaires liées à la transformation : 1) le passage des aliments crus à cuits il y a plus d'1 millions d'années avec la domestication du feu ; 2) le développement massif des produits laitiers, céréaliers et de la viande d'élevage avec la sédentarisation des populations il y a environ 11 000 - 12 000 ans (passage du paléolithique au néolithique et donc des chasseurs-cueilleurs aux agriculteurs-éleveurs) ; 3) passage des aliments traditionnels aux aliments industriels avec l'invention de la machine à vapeur au XVIIIème siècle et la production des premières conserves avec l'appertisation (1). en 1795 ; et enfin le passage des aliments transformés à ultra-transformés dans les années 80 ou le passage des « vrais » aux « faux » aliments (« fake foods »). Cette dernière transition, dont malheureusement personne ne parle, est fondamentale car elle est concomitante avec le début de l'explosion des maladies chroniques d'industrialisation et de la baisse de l'espérance de vie en bonne santé. Par définition « un aliment ultra-transformé est un aliment dans lequel on détecte au moins l'ajout : soit d'un ingrédient ultra-transformé (fractionnement excessif de sa matrice originelle), soit d'un additif cosmétique (qui exacerbe ou restaure la couleur, le goût, la texture) et/ou d'un additif évalué à risque pour la santé ». On est alors passé d'une transformation au service de l'aliment à un aliment qui s'est mis au service de la transformation pour des raisons de rentabilité. L'humain n'est plus au centre.
Atouts gustatifs et sécurité alimentaire
La transformation a donc été longtemps au service de l'aliment pour en améliorer le goût (fermentation, sucrage), la comestibilité (cuisson des grains et graines, marinage) et/ou la conservation (conserve, salage, fumage…). En témoignent les charcuteries, les fromages, le pain, les poissons fumés/salés, les grains et graines fermentés, les fruits au sirop, les confitures, les fruits fermentés (vins), l'utilisation d'épices, etc. La transformation était vertueuse et les vrais aliments étaient toujours bien présents. Après-guerre on a commencé à fractionner les aliments produits en masse pour en valoriser les surplus ou les coproduits au travers du cracking (Le blé est un produit « craquable ») (2) des céréales, légumineuse, lait, oeufs… au point où il est devenu presque plus rentable de vendre les éléments séparés que l'aliment naturel d'origine. De ces nombreux ingrédients isolés sont nés les aliments ultra-transformés recombinés avec de nombreux colorants, texturants et exhausteurs de goût, la marque de l'ultra-transformation ; mais au détriment de la santé du consommateur. Certes les aliments sont sûrs sur le plan sanitaire mais plus sur le plan nutritionnel. Aussi aujourd'hui les transformateurs sont-ils confrontés à un quadruple challenge : développer des aliments sûrs, sains, bons au goût et utilisant des transformations durables. La tâche n'est pas aisée mais pas impossible.
Globalement on distingue trois grands types de transformation : fermentaires (alcoolique, lactique, acétique…), mécaniques (broyage, écrémage, raffinage, pelage, hautes pressions…) et thermiques (UHT, pasteurisation, séchage, cuisson à l'eau, micro-ondes…).
Par ailleurs un aliment est souvent le fruit de plusieurs traitements différents qui influencent chacun de façon différente à la fois la matrice alimentaire (sa structure) et sa composition. Par exemple un yaourt maigre est le fruit d'un traitement thermique (pasteurisation du lait), mécanique (élimination du gras) et fermentaire (ensemencement avec deux souches bactériennes). Des trois ce sont les fermentations qui sont les moins dénaturantes pour l'aliment et qui remplissent la quadruple contrainte technologique citée précédemment. Parfois les fermentations peuvent même générer de nouveaux composés bioactifs protecteurs et dégrader des facteurs antinutritionnels(3) sous l'action des microorganismes. Par contre les traitements thermiques et mécaniques sont toujours dénaturants : l'enjeu sera plutôt de limiter les effets délétères. De même quand vous cueillez un fruit et que vous le stockez, il commence déjà à se dégrader. Il est donc très difficile de ne pas consommer transformé. Le problème n'est donc pas dans la transformation mais dans l'ultra-transformation.
Des enjeux pour l'alimentation de demain
Le véritable enjeu est sans doute aujourd'hui de relocaliser la transformation et de ne pas la laisser entre les seules mains de grandes multinationales agro-alimentaires. Certains agriculteurs-producteurs se sont d'ailleurs réapproprié la transformation, comme avec la fabrication de yaourts, fromages ou confitures locaux. Il semble qu'il faille trouver un meilleur équilibre entre produits locaux et internationaux.
Le lien entre le degré de transformation des aliments et la santé humaine est maintenant bien établi. En effet les consommateurs réguliers d'aliments ultra-transformés sont plus à risque de surpoids, obésité, hypertension, diabète de type 2, hyperlipidémie, syndrome métabolique, cancers totaux et du sein, syndrome de l'intestin irritable… Par exemple il a été montré début 2018 dans le cadre de la cohorte Nutrinet que chaque augmentation en poids de 10% d'aliments ultra-transformés (% g/jour) consommés était associée à une augmentation des risques de cancers totaux(4) et du sein de 10% et inversement chaque augmentation de 10% d'aliments peu/pas transformés était associée à une diminution de 9% du risque de cancers totaux(5). En outre ces aliments sont moins rassasiants et plus hyperglycémiants . En outre les aliments ultra-transformés sont associés à la souffrance animale, à la dégradation de la vie sociale, des traditions culinaires, des petits producteurs et de l'environnement (climat, pollution et perte de biodiversité). Aussi est-il crucial d'éduquer à l'alimentation préventive : d'où viennent les aliments ? Comment sont-ils produits ? Comment les reconnaitre et les cuisiner ? Quel est l'impact de nos actes d'achat d'aliments ultra-transformés ? Comment identifier un aliment ultra-transformé ? Comment déjouer les pièges du marketing alimentaires ? Etc.
Il est donc indispensable de savoir comment sont transformés nos aliments : après tout c'est ce que nous ingérons trois à quatre fois par jour ! L'éducation à la transformation est donc une priorité.
En outre aujourd'hui il est impossible de nourrir la population mondiale dans sa totalité si on ne transforme pas : se poserait alors des problèmes sanitaires de conservation des aliments lors de leur acheminement vers les grandes villes.
(1) Procédé de conservation des denrées alimentaires par stérilisation à la chaleur, dans des récipients hermétiquement clos)
(2) Le craquage, cracking en anglais, « casse » ou « fractionne » le grain de blé en plusieurs composés ayant une valeur commerciale importante, la somme de ces ingrédients isolés rapportant plus que l'aliment entier)
(3) Les facteurs antinutritionnels sont des composés chimiques, naturels ou synthétiques, qui interfèrent avec l'absorption des nutriments tant chez l'homme que chez les animaux : par exemple l'acide phytique peut réduire la disponibilité de certains minéraux et les facteurs anti-trypsiques peuvent empêcher la transformation des protéines en acides aminés)
(4) Fiolet, T., Srour, B., Sellem, L., Kesse-Guyot, E., Allès, B., Méjean, C., Deschasaux, M., Fassier, P., Latino-Martel, P., Beslay, M., Hercberg, S., Lavalette, C., Monteiro, C.A., Julia, C., Touvier, M., 2018. Consumption of ultra-processed foods and cancer risk: results from NutriNet-Santé prospective cohort. Bmj 360
(5) Fardet, A., 2016. Minimally processed foods are more satiating and less hyperglycemic than ultra-processed foods: a preliminary study with 98 ready-to-eat foods. Food & Function 7, 2338–2346. 2) Fardet, A., C. Méjean, H. Labouré, V. A. Andreeva, Féron, G., 2017. The degree of processing of foods which are most widely consumed by the French elderly population is associated with satiety and glycemic potentials and nutrient profiles. Food & Function 8, 651-658.
Source :
Cet article est issu du « Dossier-ressources Agriculture & Alimentation » et édité par le Réseau Régional Éduquer en Santé-Environnement Occitanie.